mardi 8 novembre 2016

Contre le ventre le visage d'un ange

attention, les lignes qui vont suivre sont dures;
il s'agit de raconter l'abus sexuel dont je fus
... la patiente.

Ces derniers temps, le sexe m'intrigue. Je relisais mon carnet (je le fais souvent, sonder les paroles qui m'ont traversée) et je suis tombée sur l'énigmatique double ligne

    J'ai contre le ventre
    Le visage d'un ange.

Je ne me souviens plus des circonstances au creux desquelles je déposais ses lignes. Mais aujourd'hui, j'ai buté dessus, comme le pied contre la marche surnuméraire inattendue. Qui est cet ange ? Et m'est revenu son prénom : Edwin. (étrange prénom non?). Comme je l'expliquais ailleurs, c'est le gardien de l'école primaire qui, j'avais peut-être huit ans, un jour échappé du regard des surveillants, m'emporta dans une étroite remise sombre, ôta le bas de mes vêtements, et dévora goulument mon sexe. Quelques minutes plus tard, on frappa à la porte. Il me rhabilla, et nous sortîmes, je ne sais plus comment.

Évidemment, le qualifier d'ange est inopportun. Ça ne colle pas aux représentations, ni de l'ange ni du violeur. Et il m'est apparu que, des quelques récits de viols que j'ai pu lire, et dont je respecte la présentation, aucun ne faisait écho au mien. J'étais émue extérieurement comme toutes celles, et ceux, qui n'ont pas connu pareille expérience. Mais, je n'ai jamais reconnu mon violeur dans les portraits dressés.

J'ai déjà expliqué aussi que cet épisode fut totalement éclipsé de ma conscience jusqu'à, disons, mes quinze ou seize ans. Et que, ces images ne me troublent pas du tout. Je peux rejouer le film (je le fais là), et cela ne me fait rien.

Mais je sais, par ouï dire, que c'est horrible. Et, depuis que ma bouche s'est déliée, j'ai peut-être abusé de la situation. J'ai rapporté ce souvenir à quelques proches. Je l'ai fait pour une raison qui m'est encore obscure. Sur le moment, pour parler tout simplement. À mesure que je progresse cependant, il me semble que cet épisode exerce comme une puissance étrange sur mes interlocuteurs. Certains proches ont même pleuré. Mais, moi, cela ne me fait rien. Et je crains d'avoir usé de cette situation comme d'un charme, pour susciter l'attention, l'admiration pour «mon courage», et, indirectement, le pardon pour des fautes miennes, ou mon impuissance.

Et, ce que je m'apprête à faire là, vous donnera peut-être la nausée. Mais je veux montrer à quel point ces images, étrangement, ne me troublent pas.

ô bel ange aux belles boucles noires, ange rieur, enchanteur des cours de récréations, comme je riais à tes tours et à tes farces. Comme je m'enorgueillissais de nos secrètes transactions, et nous échangions des billes multicolores, et tu chassais les collégiens, ces grandes brutes, qui voulaient piller nos ressources. ô mon ange, aux ailes d'ombre douce, qui par un prompt mouvement, prépara l'alcôve. et contre mon ventre que tu t'offrais, moi, indécise, innocente, stupéfaite de ta divinité, je plonge mes yeux dans tes belles boucles noires. ces belles boucles noires, haletantes, douce fourrure trépignant contre ma peau. et mes mains le long de mon corps, immobiles. et mon regard arrêté au rideau de tes belles boucles noires. et - comme c'est étonnant - je me découvre un organe inconnu, par lequel je sens, sans voir, sans toucher, le rayonnement gracile de tes blanches dents. ô mystérieux spectacle d'ombres ... ainsi ai-je contre le ventre le visage d'un ange.

Quoi vous dire, chères lectrices, chers lecteurs, que je suis ... presque fière ... je viens de rédiger le paragraphe précédent d'un seul trait, sans à peine le corriger. Il s'est répandu sobrement sur cette page. Et je suis presque ... aiguisée par ces images. Et il me semble avoir conjuré quelque chose. 

Là, j'ai le coeur qui bat ... et bien, ça alors ... serais-je finalement troublée ?

sd

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