J'ai 82 ans. Et demain, je m'éteins. Avant, je voudrais dire encore une chose.
Le futur d'abord. Ce sera pas long. Dites au boucher que je ne pourrai pas préparer le coq pour la fête samedi.
À mon âge, il me semble avoir vécu assez peu. Quel rapport en faire ? Et
pour quelles raisons ? D'autres au seuil ont déjà parlé (leurs paroles ailées vibrent encore dans le bois de la porte
entrouverte). M'enfin, ils n'en savaient pas plus que moi au mếme
moment. Je vous dirais, naïvement, que de toutes mes occupations, l'Amour fut la plus étrange. La plus intense. Une poignée d'âmes touchées au centre furent autant d'ouvertures, épines à ma peau d'oursin, qui piquent et me meuvent. Il faut que je conseille aux jeunes gens qui me succèderont d'en faire autant. Qu'ils ne craignent rien. L'oubli, ce robuste socle océanique, aura bien usé ces épines. Et redevenue toute ronde, lisse comme à mon premier état larvaire, je vous quitte heureuse.
ô voix cave ... emblème d'endurance
tu as franchi la porte
la dernière ...
est-ce encore ta voix au travers ?
ou le murmure du monde
qui, comme un chaton,
gratte la lourde plinthe.
sd touchée
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