dimanche 3 juillet 2016

Qui est S.D. (5)

Avertissement (à F surtout, si tu me lis).
Les lignes qui vont suivre sont dures. 
Elles n'ont aucune autre prétention que d'essayer de clore quelque chose.
Je ne ferai pas ce qui est décrit plus bas.


Elle est mon premier baiser, mon premier amour, et ma première rupture. C'est-à-dire, mon seul baiser, mon seul amour, et ma seule rupture. Où pourrai-je trouver l'expérience du soldat vétéran, celui qui de chaque plaie fait un trophée, couronne au vainqueur de son tourment ?

Autour de moi on s'en sort. Le temps panse les blessures. Quelques mois, quelques années, la source noire de l'oubli ôte l'épine plantée sous l'oeil. De sa terrible présence ne reste qu'un léger pincement de la peau, puit minuscule poudré de sel, comme le cuir à la bosse d'un dromadaire desséché.

Mais comment s'engager dans la série ? Recommencer, ailleurs, autrement, avec quelqu'un d'autre.

Avec quelqu'un d'autre ...

Quel est ton nombre, fantôme ? L'Un est planté en ma poitrine, colonne vertébrale. Sera-ce deux, trois, cinq, ou douze, douze mille cent cinquante sept millions et un ?

Que faire si les Tristans, les Iseults, les Roméos, les Juliettes, d'un coup, se relèvent, surpris de n'être pas mort ? On les verrait passer de l'un à l'autre, s'essayer, en de multiples combinaisons. Comprendre que le philtre, le poison,  n'était qu'un vieux vinaigre qui a tourné, qui fait roter, qui fait péter. Vents grossiers d'un cupidon malpoli.

Les amoureux dans les oeuvres qu'on célèbre meurent à la fin. La mort littéraire est un phormol, agent conservateur de l'éclatante romance, huile de lin appliqué au marbre de leurs lèvres. Transposer un tel acte à nos vies, c'est risquer de finir Bovary. Qui voudrait passer sous la prose acérée de Flaubert ?

Mais si je ne peux pas mourir d'amour, il m'est toujours possible de le rêver. Que dirait S.D., mon plus cher écho, réverbération narcissique au bout de mes doigts ?

*

    S'il m'était donné un coeur moins enfant, peut-être ne se serait pas bâtie la muraille qui me sépare.  
    Je te vois renaître des cendres que j'ai posées sur ton front. Je ne dois pas être si égoïste si j'aime te voir briller sans charbon. Et pourtant je vais l'être encore. Une sombre planète roule à ma poitrine. Les forces me quittent, et je libère l'astre contre vous, famille, proches, et contre toi, chère à mon coeur.
    Hélas, s'il m'était donné un coeur moins enfant, j'oublierais le jeu du bourreau. Je ne me perdrais pas dans la complaisance du massacre que je m'inflige.
    Si tu lis ces lignes, détourne le regard ... je ne voudrais pas ajouter un second pli au voile de tes yeux. Garde l'image; éclat de pierre volcanique arraché à la terre, lancé à la face de la nuit, comète inerte, retombe sans bruit.
   Et pourtant, je m'adresse à toi ... je dis, puis fais le contraire. Je voudrais que tu me sauves sans doute. Mais à quel prix ? Ou bien je pèse un monde à tes épaules, ou bien je sombre.
   Accueille-moi, béance souriante. La chute est longue. Je me retourne. Le cercle rétrécit. Ô minuscule point de fuite, point que tout concentre, où se défont les mailles. Boucles fleuries, je vous aime. Adieu.
sd

**

Rêve monstrueux ... te voilà prisonnier. Souffre ici. Tu ne dérangeras plus mes nuits.

sd

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