lundi 14 avril 2014

Qui est S.D. (2)

Salut.

Il faut que je vous raconte. J'avais quatorze ans. J'ai grandi dans une ville, vous savez. Une toute petite ville dans une île trop petite. Alors elle paraissait grande. Et plus encore à une jeune ado de quatorze ans.

Bon. Je marchais, tranquillement, en retour vers chez moi. J'avais pas de scoot. Trop jeune, trop dangereux, etc. Il y a trois kilomètres du collège jusque chez moi. J'avais insisté pour rentrer à pieds. Comme ça, je pouvais chaper l'école. Aller à la plage, regarder la mer avec les copines (boire des bières chaudes aussi).

Alors, donc. Je marchais un soir. C'était seize heures à peu près. Je portais des savates (ça se dit pas tong). Short jean court et débardeur. Comme tout le monde.  C'était en décembre. Là-bas, ça veut dire saison chaude et humide. Donc il fait chaud, on transpire beaucoup. Il pleut souvent, mais de l'eau chaude. Ce soir là, il pleuvait pas. Je suais, jusque dans mes savates. La poussière collait sous mon talon, entre les orteils, comme des petites flaques de boue. En plus, ça grimpe pas mal pour aller chez moi.

Je suis passée devant la rue des écoles. Il y a le café du commerce. Plein de vieux qui boivent trop tôt. Les vieux les plus vieux jouaient aux dés entre deux toyota hilux. Des jeux d'argent. J'aimais pas passer par là.

Sur le chemin, y a aussi les clôtures pas bien fermées, avec des chiens fâchés. Oui, y'en avait un, je m'en rappelle. Gigantesque ! Même avec le portail fermé. Il pouvait poser sa tête par dessus. Mais il était pas très méchant. Il était trop âgé. Je sais pas ce qu'il est devenu.

Aussi, il faut passer devant l'hôpital. Il y en a quatre, des hôpitaux gros comme lui. Mais, lui c'est le plus ancien. J'avais déjà visité cet endroit y a longtemps, mais je m'en souviens pas trop. Sauf peut-être l'odeur chimique. De pomme verte. Y'a pas de pomme, toute façon, sur l'île.

Par contre, y a bien des voitures. Enfin pas tant que ça, mais le réseau routier est mal foutu; c'est toujours bouché. J'avais donc des flaques de boue transpirée sous les pieds, et des volumes de gaz d'échappements dans les poumons. Heureusement, qu'il pleuvait pas.

Donc trois kilomètres, dont un bon kilomètre en montée. Et, dans cette montée, un virage. Au bout de la courbe, on peut monter sur un muret. On voit alors toute la ville, ce qui reste du lagon sous le port, et l'océan tout autour. Jusque là où se couche le soleil.

Voilà, c'est à peu près à ce moment là, que j'ai réalisé que je n'avais plus aucuns grand-parents.

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