mardi 5 novembre 2013

Essai de fable

Le Sable

Deux enfants, habitants du désert, sont assis à l'ombre d'un palmier en fleur. Un fier soleil inonde la vaste plaine d'une lumière blanche comme le lait. Le premier enfant, Apalh, lève les yeux vers le ciel bleu et prend la parole.

- Dis-moi, Veth, connais-tu ce peuple dont on raconte qu'il vivrait près d'un désert étrange ?
- Leur nom, je ne m'en rappelle plus et leur histoire, je ne la connais pas.
- Le sable surtout est d'une nature très différente. A distance, celui-ci semble être un miroir du ciel. Mais essaie seulement d'en ramasser une poignée et tu verras ses couleurs disparaître. Il devient comme un crystal pur posé au creux de la main.
- Vraiment ?
- Oh, ce n'est pas encore ce qu'il y a de plus surprenant. On raconte que personne ne peut poser le pied sur ce sable sans se faire dévorer. Lentement, une bête inconnue, comme tapie sous la surface, tire à elle pierres, animaux et hommes. On les voit se débattre, et disparaître. Leurs voix retentissent, et l'instant d'après, elles aussi sont avalées.
- Oh !
- Attend ! Seul, un animal survit aux assauts de ce monstre. Il peut courir ce désert, plus rapidement encore que nos chars à sept chevaux. Douze hommes, au moins, peuvent le monter ensemble. Docile, il obéit à leurs ordres aussi promptement que le pied d'un marcheur. Lorsque ses maîtres ont fini leur affaire, ils le ramènent près de chez eux, hors de ce désert. L'animal dort, et les hommes prennent grand soin de lui.
- Mais quel besoin ont ces hommes de courir un si grand danger ?
- Veth ! Le ventre, mon amie, le ventre ! Ce désert si hostile donne aussi à ces hommes leurs pains. Mais de même que nous labourons nos terres, de même ces hommes travaillent leur désert. Ils y jettent de longs filins auquels pendent quelques offrandes. Le monstre les attrape, les tire à lui, et selon son humeur récompense les travailleurs de petits pains vivants. Il faut la voir frémir cette nourriture vivante !

Un long silence suit. Puis Veth, intriguée, s'interroge:

- Apalh, rien ne va dans cette histoire.
- Et pourquoi donc ?
- D'où la tiens-tu ?
- Tu connais mon oncle, et tu sais quel voyageur il fut !
- Celui-là même qui nous fit monter au sommet des palmiers. Crédules. Il nous convainquit que ceux-ci abritaient un miel sans abeilles.
- Ah, bien sûr ! Quelle aventure ! Des scorpions au lieu du miel.
- Nous le remercions encore. Mais alors, n'est-ce pas là encore un de ses tours ?
- Oh non ! Car ce n'est pas qu'à moi qu'il racontait cette histoire, mais à l'assemblée tout entière. Qui plus est, d'autres le soutenaient, et pas les plus extravagants.
- Et comment faire alors ? nous qui ne pouvons partir vérifier ses dires.
- Tu compliques tout.
- Mais Apalh, nous aussi, nous avons un désert. Nous aussi nous soignons nos bêtes pour le traverser. Et nous aussi, en quelque sorte, nous fouillons le sol pour y trouver notre pain; le coup de soc est l'offrande.
- Et bien ?
- Et bien, comment se fait-il que de chacun de ses éléments, la nature ait fourni deux types. Le premier que nous cotoyons. Le second que ton oncle nous rapporte. Il faudrait admettre, par exemple, plusieurs sables aux propriétés forts distinctes. Est-ce encore du sable que ces choses si différentes ?

Un silence, plus long encore que le précédent, s'installe. Apalh, troublé, termine:

- Mais que veux-tu, Veth ? Nous n'avons que du sable ici.
Scons Dut

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