lundi 25 novembre 2013

Aristote - Les Catégories (5) [c]

Structure de l'ouvrage
  1. Homonymes, synonymes, paronymes
  2. Des différentes expressions
  3. Prédicats, genres et espèces
  4. Catégories
  5. Substance
  6. Quantité
  7. Relation
  8. Qualité
  9. Les autres catégories
  10. Opposés
  11. Contraires
  12. Priorité ou antériorité
  13. Simultanéité
  14. Mouvement
  15. Possession
Ce billet résume et commente le chapitre 5. Une version bilingue grec-français du texte original est disponible ici.

5. Substance

    (c) Le rapport au réel

Aristote affirme que toute substance semble désigner ``une certaine réalité singulière'' (tode ti, τόδε τι). Il faut tout de suite s'arrêter sur ce petit couple de mot: tode ti. Il signifie littéralement (à peu près) ``ceci'' ou ``l'individuel''. On y perçoit un sens de la monstration, comme si ce mot pointait du doigt une certaine chose précise, singulière. Ainsi, on peut aussi le comprendre comme étant une référence à un élément du réel.

Voyons d'abord le cas des substances premières. J'avais déjà évoqué le fait qu'une substance première constitue en quelque sorte un extremum de la hiérarchie qui ordonne les substances en espèces et en genres. La substance première ne peut être affirmée ni kath'hupokeimenou ni en hupokeimenôi de quoique ce soit. Elle n'est donc pas un universel qui rassemblerait sous son nom une collection d'individu singuliers. Elle n'est pas non plus une chose dont l'existence est entièrement dans autre chose qu'elle-même. Non, la substance première est un individu singulier, réel. De plus, nous avons aussi vu que toute prédication (accusation) concerne en dernière instance une ou plusieurs substances premières; c'est-à-dire que les substances premières sont aux fondements de toutes les accusations.

En affirmant que toute substance première désigne une certaine réalité singulière (tode ti), Aristote confirme ce que j'avais déjà évoqué précédemment: la consistance ``ontologique'' des choses se fonde sur les substances premières. Autrement dit, pour Aristote, me semble-t-il, le réel est un tissu de substances premières, et c'est au-dessus de celles-ci que la prédication (accusation) opère. Il s'agit véritablement d'une prise de distance vis-à-vis de Platon.

Quant aux substances secondes, Aristote reconnait qu'elles semblent désigner également quelque chose de réel, mais il ajoute qu'elles le font en un sens approximatif. S'il faut être absolument rigoureux, une substance seconde ne désigne pas une réalité singulière puisqu'elle consiste en une collection synonymique de substances premières. Par exemple, Homme ne désigne pas une réalité singulière (tel homme), mais bien tous les hommes, chacun pris dans sa singularité.

Aristote indique que la substance seconde est plutôt une qualité (poion, ποιόν) supportée par des substances premières. Ils indiquent de quelle classe de substances il s'agit. Ceci est lié au mode kath'hupokeimenou qui, je le rappelle, a pour fonction principale d'organiser des classes. La catégorie de la qualité (poion, ποιόν) sera examinée en détails plus tard. Il suffit pour l'instant de dire que la qualité est ce par quoi une chose est dite semblable (homoios, ὅμοιος) ou dissemblable (anomoios, ἀνόμοιος) à une autre. En ce sens, la substance seconde (genre ou espèce) est une qualité dans la mesure où elle consiste en une collection de substances premières qui sont semblables par le nom (onoma, ὄνομα) et la définition (logos, λόγος). Ceci est lié à la propriété de synonymie de l'accusation kath'hupokeimenou. Par exemple, tel homme particulier est semblable à tel autre homme particulier relativement à l'Homme en général puisque ces deux hommes particuliers sont des cas particuliers de l'Homme en général.

En résumé, la catégorie de la substance entretient un rapport étroit avec le réel. Une substance première désigne (montre du doigt, fait référence à) un élément réel pris dans toute sa singularité (tode ti, τόδε τι). La substance seconde fait également référence au réel mais de manière indirecte. La substance seconde, en tant que collection synonymique de substances premières, est une qualité; qualité par laquelle ces substances premières peuvent être dites semblables. En ce qui concerne le rapport au réel, voilà qui est dit.
Scons Dut

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