mardi 14 février 2017

Le jeu

Elle l'invita à rejoindre la table de jeu. Ayant déposé sur celle-ci un tapis de feutre vert, elle plaça, pour chacun, un pion de couleur spécifique.
« Celui-ci c'est toi, celui-là c'est moi. »
Aucune aire délimitée, aucune notice présentée, aucune règle exprimée. Elle lança
« Et maintenant, jouons ! »
Prenant son pion de couleur spécifique, elle cisela une ouverture dans ce qu'il faut bien qualifier de visage. Et

*

Ô ma lucidité ...
   je constate précisément mon état
   je suis prise dans tes rêts
      Déesse de la pêche.

Soit.

S'il faut malgré tout que je t'adore
il me reste
   pour la forme du culte rendu
encore une liberté.

Je brûlerai, disons,
   un papier d'Arménie
Et j'aménagerai
   entre les vapeurs bleues du rituel
Un espace d'air clair
   pour  ... pour mon coeur ?
       – ô chair trop lourde –
   pour mes yeux plutôt
   ou ... pour mes mains.

De mes mains
    comme un parfum de prière
Qui diront :

      « Ô monde, sois beau
         Lorsque
                       le souffle,
                          comme ils disent,
                       le dernier
          De ma bouche
                       puit de pierre
                       si aligné au-dessus de la source
           Qui finit en fleur
                        une même âme
                        ô Fleur Bleue
           Qui finit en rose
                         si vaste enclos
                         où paissent les degrés de ton parfum
            Le dernier souffle de ma bouche
                          touchera l'air,
            Ô monde,
                          en lexèmes brisé,
                          aux interstices où sourd
                          le murmure d'une liberté
             Là,
                          sois beau.

             Comme elle. »

 *

Quelques minutes passèrent. On calcula les scores. On répartit les points. Et son tour ayant passé, elle céda, au joueur suivant, le thyrse aux sombres feux.

sd ludoïde

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