lundi 4 mai 2015

Le beau rivage

Oui, voilà, c'est bien ce que je disais. J'ouvrais cette lettre, et je lisais ces mots:
Je vous ai trop aimé ... adieu
Comprenez, je n'allais pas très bien à ce moment. C'est-à-dire que ...  chaque jour, le matin, puis après le déjeuner, et le soir avant le coucher du soleil, je visitais cette vieille malle où s'arrangeaient en diverses piles quelques pans plus ou moins large de mon existence. La contiguïté de l'espace donnait d'ailleurs un air étrange à ce contenu. Un arlequin de souvenirs; ici les étoffes brillantes, des lunes pour l'eau bleue des océans nocturnes; là les voiles gris, humides encore des buées de regards oubliés.

Ma convalescence s'arrêta toute nette sur cette lettre, petit carton blanc aux fines bordures. Je vous ai trop aimé ... adieu. Soyez certaine etc. La suite est connue. L'auteur est oublié (peu importe).

Je tremblai. Je remis la lettre à sa place, à la page 187 de l'Ouvrage. Me levai, descendis, ouvris la large porte où sautillaient quelques angelots d'acajou.

Puis, enfin, je m'assis très confortablement là où l'herbe fut la plus douce, à l'ombre la plus bienveillante du plus vieil arbre du jardin.

Je contemple, depuis ce jour, toute l'étendue de l'horreur; l'onde amère; qui va; qui vient; invariablement; rappelant à mes fines chevilles, les coquilles glacées, l'effluve salée, des huîtres, écrasées.

sd

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